Le Canada durant la seconde guerre mondiale

Événements

Massacres de Normandie

Introduction

La 3e division d’infanterie canadienne et la 2e brigade blindée canadienne ont débarqué sur la plage Juno le 6 juin 1944, le jour J.

Des soldats de la 12e SS Panzer Division allemande dans une affaire de prisonnier de guerre temporaire en Normandie. Deux soldats du Canadian Provost Corps montent la garde, v. 7-8 juillet 1944 (Ken Bell / MDN / BAC / PA-161996).

Les Canadiens ont neutralisé les défenses sur la plage au bout d’un effort collectif, mais au prix de nombreuses vies humaines. L’avancée vers l’intérieur des terres commença le jour même; le soir venu, les soldats canadiens se cantonnèrent dans les positions qu’ils avaient conquises. Dès le lendemain, ils affrontèrent pour la première fois la division blindée qui allait devenir leur principal ennemi en Normandie : la 12e SS-Panzerdivision Hitlerjugend (« Jeunesse hitlérienne »). Dans les jours qui suivirent le 6 juin, des centaines de prisonniers de guerre canadiens tombèrent aux mains de cette division. Malheureusement pour bon nombre d’entre eux, leur capture conduisit à leur assassinat de sang-froid.

La 12e SS-Panzerdivision était composée de membres de la Jeunesse hitlérienne âgés de 17 à 19 ans, ainsi que d’officiers et de sous-officiers aguerris, issus de la 1re SS-Panzerdivision (Leibstandarte Adolf Hitler). Cette division, qui vit le jour en tant que garde personnelle d’Hitler, avait affronté l’Union soviétique sur le front de l’Est. La convergence d’un groupe d’adolescents fanatiques nazis et d’un corps de sous-officiers ayant combattu dans les conditions brutales du front de l’Est engendra une division ayant une propension à exécuter les prisonniers de guerre.

Authie, Buron et l’abbaye d’Ardenne

Le front canadien, 7-8 juin 1944 (Carte de C.P. Stacey, La campagne de la Victoire, Croquis 7).

Le 7 juin, l’infanterie du North Nova Scotia Highlanders (North Nova) et les chars Sherman du 27e régiment blindé canadien (les Fusiliers de Sherbrooke), tête d’avant-garde de la 9e brigade d’infanterie canadienne qui se frayait un chemin vers Carpiquet, ont avancé vers le village d’Authie après avoir traversé Buron. Les chars canadiens venaient de dépasser Authie lorsqu’ils furent attaqués par ceux du 12e SS-Panzer-Regiment (à ne pas confondre avec la division entière) qui, à l’instar du 25e SS-Panzergrenadier-Regiment, était sous les ordres du Standartenführer Kurt Meyer. Alors que les affrontements entre chars s’apaisaient, l’infanterie de la compagnie C du North Nova, à Authie, fut prise d’assaut par l’infanterie allemande du 3e bataillon du 25e SS-Panzergrenadier-Regiment, commandé par l’Obersturmbannführer Karl-Heinz Milius. Les hommes du North Nova combattirent jusqu’à ce que l’ennemi les encercle, puis capitulèrent.

Avant les débarquements alliés en Normandie, Meyer aurait dit à ses troupes de profiter de l’invasion imminente pour exercer des représailles contre les Alliés en réponse à leurs bombardements des villes allemandes. C’est à Authie que commença l’assassinat de prisonniers de guerre par la 12e SS, conformément, semble-t-il, à la suggestion formulée par Meyer. Un certain nombre de Canadiens furent tout simplement abattus après s’être rendus, tandis que d’autres furent battus à mort à coups de baïonnette. Un char allemand roula délibérément sur les cadavres de Canadiens. À l’extérieur d’Authie, les soldats de la compagnie A finirent par être séparés de leurs camarades et capitulèrent aussi. Peu après avoir rendu les armes, plusieurs d’entre eux furent tués d’une balle par leurs gardiens allemands.

Les combats se déplacèrent vers Buron, où des éléments de la compagnie D furent capturés à l’extérieur du village. Conduits à pied jusqu’à Buron, alors tombé aux mains des Allemands, les prisonniers de guerre furent dépouillés de tous leurs objets de valeur. Un Canadien fut abattu pour avoir été en possession d’une grenade, alors que des témoins canadiens affirmèrent qu’il s’agissait d’une boîte à chocolat en fer-blanc. Tandis que la colonne de prisonniers de guerre canadiens marchait vers le flanc arrière allemand, un camion portant les marques de la Croix-Rouge dévia délibérément de sa trajectoire et fonça sur les prisonniers, faisant deux morts et un blessé. D’autres prisonniers de guerre perdirent la vie lorsque le commandant d’un détachement SS fit feu sur eux alors qu’ils fermaient la marche.

Le jardin du souvenir de l’Abbaye rend hommage aux soldats assassinés sur ces terres, 2017 (Association du Centre Juno Beach).

Des dizaines de Canadiens ont été faits prisonniers durant les combats qui éclatèrent à Authie et Buron. Ceux qui n’ont pas tués dans l’immédiat furent envoyés tout près à l’abbaye d’Ardenne, où Kurt Meyer avait établi son quartier général. Dans la soirée du 7 juin, onze Canadiens du North Nova et des Fusiliers de Sherbrooke furent exécutés dans le jardin de l’abbaye. Le lendemain, sept autres prisonniers, tous du North Nova, furent amenés à l’abbaye, interrogés puis conduits un à un vers la mort. Ils furent abattus dans le jardin, d’une balle dans la nuque. Chaque homme serra la main de ses compagnons avant de faire face à son destin parmi les corps de ses camarades assassinés.

Les visages et les noms des 20 soldats canadiens assassinés à l'Abbaye en juin 1944 sont affichés sur le mur du jardin, 2017 (Association du Centre Juno Beach).

Les visages et les noms des 20 soldats canadiens assassinés à l’Abbaye en juin 1944 sont affichés sur le mur du jardin, 2017 (Association du Centre Juno Beach).

Beaucoup plus tard, le 17 juin, deux autres Canadiens, le lieutenant Fred Williams et le caporal suppléant George Pollard, furent eux aussi assassinés dans l’enceinte de l’abbaye ou à proximité. Les corps de tous les Canadiens exécutés à l’abbaye ont été découverts plus tard, sauf celui de Pollard. Au total, vingt Canadiens ont été assassinés par la 12e SS à l’abbaye d’Ardenne.

Le château d’Audrieu

Le front canadien, 7-8 juin 1944 (Carte de C.P. Stacey, La campagne de la Victoire, Croquis 7).

Le meurtre de prisonniers de guerre canadiens ne s’est pas limité au front où combattait la 9Brigade d’infanterie canadienne. Des soldats de la 7e brigade d’infanterie canadienne ont aussi été assassinés par la 12e SS. Ces exécutions sont survenues après les combats aux alentours de Putot-en-Bessin. L’après-midi du 8 juin, la 12e SS lança une rude contre-attaque contre les positions du Royal Winnipeg Rifles, qui défendait le village. Le régiment se battit pour conserver le village, mais fut contraint de se replier. Plusieurs de ses compagnies s’étant retrouvées détachées par l’offensive allemande, certains soldats du Winnipeg Rifles finirent exécutés par les Allemands près de Putot. Les détails entourant leur mort sont imprécis, car leurs corps n’ont été découverts qu’après que les Canadiens eurent repris Putot plus tard dans la journée.

La majorité des exécutions eurent lieu dans deux endroits. Le premier, le château d’Audrieu, abritait le quartier général du Sturmbannführer Gerhard Bremer, commandant du 12e bataillon de reconnaissance SS. Lorsque les prisonniers de guerre commencèrent à arriver, Bremer, qui s’exprimait couramment en anglais, interrogea trois d’entre eux : le major Frederick Hodge, le caporal suppléant Austin Fuller et le soldat Frederick Smith. Comme ils ne fournirent aucune information, ils furent exécutés. Les soldats David Gold, James Mclntosh et William Thomas connurent eux aussi le même sort dans l’enceinte du château, peu de temps après les premières exécutions. D’autres prisonniers de guerre canadiens tombèrent sous le feu des mitraillettes près du château plus tard dans la journée. Au total, les SS assassinèrent dix-neuf Canadiens au Château d’Audrieu.

Le Haut Du Bosq

L’Obersturmbannführer Wilhelm Mohnke, à la tête du 26e SS-Panzergrenadier-Regiment, établit son quartier général près d’un hameau appelé Le Haut du Bosq, situé dans une région boisée entre Grainville et Cheux. Le soir du 8 juin, Mohnke ordonna le meurtre de nombreux prisonniers de guerre dans un champ près de Fontenay-le-Pesnel, pressé de rejoindre une colonne de prisonniers de guerre qui se dirigeait vers son quartier général. Il avait sombré dans une rage meurtrière après avoir constaté que le Sturmbannführer Bernhard Siebken (commandant du 2e bataillon du régiment) avait fait fi de l’ordre qu’il lui avait donné plus tôt d’arrêter d’envoyer des prisonniers de guerre à l’arrière. Mohnke donna également ordre de tuer trois prisonniers de guerre canadiens, le soldat Harold Angel et les carabiniers Frederick Holness et Ernest Baskerville, au quartier général de Siebken. Le SS perpétra ces meurtres le matin du 9 juin. Le 11 juin, trois autres Canadiens, les sapeurs John Lonel et George Benner, ainsi que le soldat Allan Owens, furent assassinés dans un champ, sous les yeux de Mohnke. Quarante et un prisonniers de guerre furent tués en conséquence d’un ordre direct de Mohnke ou par des soldats sous son commandement.

Le Mesnil-Patry et la vallée de la Mue, 11 juin 1944 (Carte de C.P.Stacey, La campagne de la Victoire, Croquis 8).

Conclusion

Les lieux susmentionnés ne sont pas les seuls où des meurtres de prisonniers de guerre canadiens ont été commis par la 12e SS. Le caporal suppléant du Regina Rifles David Moloney et les soldats Cecil Borne, Norman Morin et John Sawatzky furent exécutés dans une clairière au sud de la route Caen-Bayeux, près de Bretteville-l’Orgueilleuse, après leur capture par la 12e SS, qui s’était emparée de l’avant-poste qu’ils occupaient. Moins connue, une autre série d’exécutions de prisonniers de guerre canadiens a eu lieu après la bataille de Le Mesnil-Patry le 11 juin. Des meurtres de prisonniers de guerre près de ce champ de bataille ont été rapportés dans le cadre de six incidents distincts. Au total, jusqu’à 156 soldats canadiens, la plupart faits prisonniers par la 12e SS, furent exécutés par leurs gardiens au cours de divers incidents survenus en juin 1944, en Normandie. De sinistres statistiques découlent de ces meurtres : un Canadien sur sept tués en Normandie du 6 au 11 juin n’est pas mort au combat, mais a été exécuté en tant que prisonnier de guerre.

Les commandants de la 12e SS subirent peu de conséquences pour les exécutions commises à la suite d’un ordre direct de leur part ou par des soldats sous leur commandement. Mohnke échappa aux poursuites après avoir fait l’objet d’une enquête menée par les autorités canadiennes immédiatement après la guerre. Son dossier fut rouvert au milieu des années 1970, mais les procureurs ouest-allemands estimèrent que les preuves n’étaient pas suffisantes pour l’inculper. Il est mort à l’âge de 91 ans. Bremer a lui aussi échappé à la justice pour le meurtre de prisonniers de guerre canadiens. Il s’est réfugié en Espagne à la fin des années 1940. Siebken est le seul commandant responsable des meurtres à avoir été exécuté pour ses crimes. Il a été reconnu coupable des meurtres d’Angel, Holness et Baskerville, et pendu le 20 janvier 1949.

SS Brigadefuhrer Kurt Meyer debout devant le tribunal avec ses escortes le major Arthur Russel (à gauche) et le capitaine Elton D. McPhail (à droite) (Barney J. Gloster / DND / BAC / PA-141890).

Une enquête d’un tribunal allié recommanda l’inculpation de Milius pour crimes de guerre, mais celui-ci fut relâché par la suite sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui. En décembre 1945, un tribunal militaire canadien a traduit en justice Kurt Meyer pour crimes de guerre, mais ce dernier fut acquitté de vingt-trois chefs d’accusation de meurtres perpétrés dans les environs d’Authie et Buron le 7 juin 1944. En revanche, il a finalement été reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation liés aux meurtres survenus à l’abbaye d’Ardenne. Meyer a été condamné à mort, mais en a appelé de son verdict. Il a eu gain de cause et sa peine a été commuée en réclusion à perpétuité, le major-général canadien Christopher Vokes ayant été réticent à condamner Meyer à mourir sans preuve qu’il ait donné l’ordre direct d’exécuter des prisonniers de guerre canadiens. Après avoir purgé une partie de sa peine au Canada et en Allemagne de l’Ouest, Meyer a été libéré au bout de moins de dix ans d’emprisonnement. Il est mort en 1961.

Les 156 Canadiens assassinés en Normandie entre le 7 et le 17 juin

Adams, William C.

Anderson, H.E.

Angel, Harold S.

Arsenault, Joseph F.

Arsenault, Joseph R.

Bailey, Harold W.

Barker, Reginald D.

Baskerville, Ernest C.

Beaudoin, Oscar J.

Bebee, Charles W.

Bellefontaine, Oswald J.

Benner, George A.

Beresford, William

Birston, Hilliard J.H.

Bishoff, Emanuel

Bolt, James E.

Booth, Walter J.

Borne, Cecil M.

Bowes, Arnold D.

Bradley, Ernest W.

Brown, George Andrew

Brown, Lome

Brown, Walter Leslie

Bullock, Paul

Burnett, Donald J.

Campbell, John R.

Charron, Albert A.

Chartrand, Lawrence

Chartrand, Louis

Cook, Etsel J.

Cranfield, Ernest W.

Cresswell, Sidney J.

Crowe, Ivan L.

Culleton, Stewart

Daniels, Walter

Davidson, Thomas R.

Doucette, Charles

Doherty, Walter M.

Dumont, John D.

Fagnan, Anthony A.

Ferguson, William S.

Findlay, Robert M.

Firman, Roger J.

Fleet, Lambert A.

Fontaine, George

Forbes, J.

Freeman, Lant

Fuller, Austin R.

Gilbank, Ernest N.

Gill, George V.

Gold, David S.

Gosse, Silby

Grant, Thomas J.D.

Guiboche, Lawrence R.

Gurney, Robert J.

Hancock, Arthur R.H.

Hargreaves, Jeffrey D.

Harkness, Alvin J.J.

Harper, Robert J.

Harrison, Francis D.

Henry, Thomas H.

Hill, John W.

Hodge, Frederick E.

Holness, Frederick W.G.

Horton, Charles A.

Lonel, John

Izzard, William L.

Jones, Henry C.

Julian, Anthony

Keeping, Reginald

Kines, Clare D.

Kyle, James F.

Labrecque, Herve A.

Lawrence, Kenneth S.

Leclaire, Joseph A.M.

Lefort, Elmer J.

Lewis, Gordon J.

Lockhead, Roger

Loucks, William D.C.

Lychowich, John L.

Macdonald, Charles J.

MacDonald Hugh A.

Maclntyre, Joseph F.

MacKinnon, James W.

MacLeod, Angus M.

MacRae, Roderick R.

Marych, Frederick

McGinnis, William J.

Mclntosh, James D.

McKeil, Hollis L.

McKinnon, William L.

McLaughlin, Thomas C.

McNaughton, George R.

Meakin, Frank V.

Meakin, George E.

Metcalfe, John

Millar, George E.

Moloney, David T.

Mont, Thomas E.

Moore, Raymond

Morin, Norman J.

Morrison, Wesley K.

Moss, James A.

Muntion, George

Murray, John B.

Mutch, Robert

Nichol, William

O’Leary, Gerard J.

Orford, Douglas S.

Ostir, Frank

Owens, Allan R.

Parisian, Percy

Perry, Clayton G.

Peterson, Alfred M.

Philp, Harold G.

Poho, William

Pollard, George G.

Povol, Ervin

Preston, Lee I.

Reid, James A.

Reynolds, Henry E.

Riggs, Cecil

Rodgers, Henry

Ryckman, Frank

Sawatzky, John

Scott, Robert

Scriven, Gilbert H.

Sigurdson, Kjartan

Silverberg, Frank

Simmons, William E.

Smith, Edward

Smith, Frederick

Smith, Richard G.

Smuck, Harry L.

Slywchuk, Steve

Sutton, Lawrence F.

Taylor, James A.

Thomas, William D.

Thompson, John A.

Tobin, Douglas V.

Vickery, Nelson J.

Webster, James S.

Willett, Gerald L.

Williams, Fred

Williams, James P.

Windsor, Thomas A.L.

Dix connus de Dieu seul

Suggestions de lectures

Tim Cook, The Fight for History: 75 Years of Forgetting, Remembering, and Remaking Canada’s Second World War, 2021.

Howard Margolian, Conduct Unbecoming the Story of the Murder of Canadian Prisoners of War in Normandy, 1998.

Marc Milner, Stopping the Panzers: The Untold Story of D-Day, 2014.

C.P. Stacey, La campagne de la victoire – les opérations dans le nord-ouest de l’Europe 1944-1945 : Histoire officielle de la participation de l’Armée canadienne à la Seconde Guerre mondiale, volume III, 1960.

Recherche et rédaction par Brad St.Croix, Ph.D.